
Interview croisée Radio Restos
Interview croisée Radio Restos
Pourquoi le projet Radio Restos ?
PB : Pour les Restos, ce projet est d’abord l’occasion de renouer avec la création même des Restos puisque les Restos sont nés à la radio !
C’est le fameux appel de Coluche à la radio qui a lancé cette idée, qui a mobilisé les énergies permettant d’aboutir il y a 35 ans maintenant à la 1ère campagne d’hiver des Restos. Le fait de voir les acteurs du monde de la radio, des acteurs très divers, se remobiliser pour une opération. C’est la première raison pour laquelle on a dit « banco ! » pour cette opération.
La deuxième raison, c’est l’objectif même de cette opération : cela nous permettra, si les auditeurs/donateurs répondent favorablement, de financer des véhicules frigorifiques pour assurer le transport de denrées pour l’alimentation des personnes les plus démunies.
On sait que cet automne et cet hiver, nous allons avoir énormément de personnes qui vont frapper à la porte des Restos, malheureusement.
On a déjà vu, si on compare avec l’année dernière, une augmentation de 25% de de repas distribués. Donc on voit bien que ça va être un phénomène qui va s’amplifier. Pour ça, on a besoin de produits frais, de ce qu’on appelle la ramasse, c’est-à-dire récupérer des légumes et des fruits dans les grandes surfaces ou des centrales d’achat. Pour les maintenir dans les règles d’hygiène et garder la chaîne du froid, on a besoin de véhicules frigorifiques. La générosité qui pourra se manifester à l’occasion de Radio Restos sera la bienvenue !
La troisième raison, c’est que c’est un évènement nouveau. Les Restos ont toujours été attentifs à se saisir d’opération innovantes et là c’est quelque chose de tout à fait innovant et qui va permettre de sensibiliser des publics, en particulier jeunes, qui ne sont pas forcément touchés autrement.
LPG : J’avais cette idée depuis très longtemps parce que comme tout le monde, je sais que les Restos doivent beaucoup à la radio. L’appel de Coluche a été fait à la radio. La naissance des Restos du Cœur, c’est grâce à la radio. Je me souviens, j’ai vécu ça, puisque je faisais de la radio déjà à l’époque, en 1985.
Depuis quelques années, je me dis que les chanteurs s’y mettent, la télé s’y met, il y a beaucoup d’évènements à travers la France. Tout le monde fait beaucoup de choses autour des Restos, et finalement, nous (les gens qui font la radio), on fait passer les messages, mais on ne fait rien de plus. Alors je me suis dit que ce serait intéressant de se dire, comme les chanteurs le font, et le monde du cinéma aussi, est-ce que nous, on ne pourrait pas faire quelque chose ? Cela faisait très longtemps que j’avais envie de faire un week-end entier d’émissions de radio qui réunirait tout le monde. Il y a eu beaucoup de choses impossibles à faire pendant des années. C’est-à-dire que je ne pouvais pas trouver une radio qui serait ok pour le faire avec des animateurs d’autres radios (concurrence, etc.) Et puis sont arrivés petit à petit Internet, les applications, et aujourd’hui des applications qui diffusent des radios sur nos smartphones avec des qualités de son extraordinaires. Et je me suis dit « bon voilà, il y a cette solution-là ». Toutes les conditions étaient réunies. J’ai proposé cette idée aux Restos, qui était peut-être un peu utopique, mais finalement il y a eu un tel engouement au premier rendez-vous, que je me suis dit « Ohlala dans quoi je me suis embarqué ». Voilà la naissance de l’idée.
L’idée : réunir des gens de la radio, ou qui en ont fait, ou qui vont en faire, car c’est très important, pour un évènement aux bénéfices des Restos. Et après, tout s’est enchaîné : pourquoi, comment, où. J’avais déjà en tête où : une fois que j’ai eu l’accord, je suis allé voir le STUDEC et ils ont répondu présents, heureusement !
C’est flippant ! Ça le sera jusqu’au dernier jour, mais j’espère qu’on le fera tous les ans, comme les Enfoirés. Parce que les Enfoirés, je me souviens aussi de leurs débuts, je me souviens des artistes, de l’évènement qui avait fait parler de lui, et quand on voit comment cela a évolué, c’est génial ! C’est un rendez-vous fidèle, des artistes qui viennent depuis des années, qui ont évolué, c’est devenu un gigantesque spectacle ! Donc voilà, j’espère qu’on va pouvoir pérenniser ce projet et que d’autres le feront l’année prochaine.
Je sais ce que c’est l’importance d’organiser des évènements aux bénéfices d’une association. D’abord, ça permet encore et toujours de communiquer sur ce que l’association fait, parce qu’il y a toujours besoin, il y a toujours une nouvelle génération qui a besoin de savoir pourquoi telle ou telle association fait tel ou tel travail et comment elle peut être soutenue. Parfois c’est participer à un évènement, parce que ça permet de faire parler, parfois c’est donner 5, 10, 20€, parfois c’est aller chercher une grosse société et leur dire « soyez partenaire avec nous, on va trouver quelque chose qui est à votre image pour nous aider ». Et même si les Restos du Cœur sont une grosse association, il y a toujours besoin de communiquer, d’expliquer et d’être soutenus financièrement.
En quoi ce projet est unique ?
PB : C’est un évènement unique parce que, jamais, nous n’avons vu autant d’animateurs radio se réunir au-delà même de leur appartenance à la station de radio X, Y ou Z. Cela traduit bien cet esprit de solidarité qui dépasse même les chapelles, tout à fait respectables. Chaque station de radio a son identité et sa raison d’être, mais là on voit quelque chose qui dépasse chaque station. Ça, c’est extraordinaire. Et surtout, que ce soit les animateurs qui aient voulu d’eux même lancer ça.
LPG : C’est la première fois que pendant 2 jours, on va entendre des gens qui se connaissent, mais qui n’ont jamais fait de radio ensemble, ou bien des gens qui se connaissent très bien, qui n’avaient pas fait de la radio ensemble depuis longtemps. Et puis on va avoir, j’espère, un festival de voix d’anciens, qu’on n’a pas entendu depuis longtemps, des stars d’aujourd’hui, et puis des petits nouveaux qui apprennent le métier en ce moment, puisque j’ai impliqué dans ce projet les élèves du STUDEC qui auront la parole. Donc voilà, on aura 3 générations, et de toutes les radios qu’on connaît.
Ce qui va se passer cette année va donner envie à plein d’autres animateurs, de province par exemple, de le faire l’année prochaine.
Le challenge, c’est de ne jamais prononcer le nom d’une radio sur laquelle ils bossent, ou ils ont bossé. Pendant 1, 2 ou 3 heures, ils acceptent d’être « Monsieur X de Radio Restos » !
Qu’attendez-vous de ce week-end ?
PB : J’espère qu’il va se fédérer la sensibilité autour de cette nécessité d’appuyer les Restos parce qu’ils mènent une action qui est devenue encore plus nécessaire aujourd’hui, avec les conséquences sociales de la crise du Covid-19, et le fait qu’on voit de plus en plus de jeunes frapper à la porte des Restos alors que cela n’était pas arrivé auparavant.
LPG : Mon rêve, déjà c’était que le projet se fasse ! Donc normalement, c’est bon !
Mon espoir c’est d’au moins récolter de quoi acheter un camion ! (Rires) Je sais que cette année les temps sont durs. Dans le monde associatif en général, on a eu pas mal de dons pendant le confinement, et c’est plutôt rassurant. Mais à la rentrée, ce sera sûrement plus compliqué. De toute façon, c’est aussi pour communiquer sur les missions des Restos ! j’ai demandé aux étudiants de STUDEC de faire des petits flash infos toutes les heures sur ce qui se fait aux Restos, que ce n’est pas que de l’aide alimentaire même si elle est le cœur de l’association.
C’est un weekend pour communiquer encore et toujours sur les Restos, essayer de trouver de l’argent pour acheter des camions, et divertir les gens !
Qu’est ce que le projet Radio Restos en 3 mots ?
PB : De l’innovation, du dynamisme et de la solidarité.
LPG : C’est drôle, généreux et innovant !

Portrait Françoise Haouzi
Portrait Françoise Haouzi
Françoise est responsable de la « ramasse » à Paris. Ou comme elle préfère l’appeler, la « collecte de denrées alimentaires ». Une mission bénévole à un rythme à 300 %
Collecter des denrées alimentaires dans des supermarchés ou auprès de fournisseurs et restaurateurs. Voilà ce que Françoise fait aux Restos du Cœur. Elle pilote la « Ramasse » de Paris.
Cette collecte de denrées alimentaires, c’est un défi permanent et un ensemble de partenariats pour arriver à donner des repas en quantité suffisantes, équilibrés et qualitatifs aux gens de la rue. La distribution de repas dans la rue repose beaucoup sur les produits de cette collecte.
Cette mission aux Restos, c’est tôt le matin, beaucoup de téléphone, de bouche à oreille. Françoise choisit les partenaires. Par exemple, pour le pain, elle essaye de trouver du pain de qualité, qui va se conserver. Pas de pain industriel parce qu’il faut le consommer tout de suite, et on ne peut pas.
Il y a des collectes tous les jours, les salariés et bénévoles passent récupérer à bord de leur camion frigorifique le matin et servent le soir.
Les supermarchés, c’est difficile à trouver parce que ce qu’ils vont donner sont souvent des légumes un peu fatigués. Pour tout ce qui est à transformer (viande, plats, etc.), les denrées récoltées partent en centre de distribution.
Au début, Françoise travaillait quand même beaucoup avec les supermarchés parce que c’était plus facile. Aujourd’hui, les supermarchés représentent à peine 20% de ce qui est ramassé. C’est essentiellement par des restaurateurs ou des fournisseurs qu’elle trouve son “bonheur”. D’autant qu’à Paris, il n’y a pas d’hypermarchés. Et pour les petites surfaces, il faut en faire beaucoup pour remplir les camions. Plus on avance, plus Françoise sait ce qui l’intéresse et sait où trouver tous les bons produits et en quantité suffisante pour faire face aux demandes grandissantes.
La ramasse à Paris, c’est :
- 18 restaurants qui ont travaillé pendant la crise sanitaire du Covid, qui ont été plus ou moins des partenaires d’un jour. En temps normal, il y a environ 25 partenaires avec qui les salariés et bénévoles de la ramasse travaillent.
- 10 tonnes de nourriture distribuées par semaine : 20% de ce qui est collecté est envoyé dans les centres de distribution pour les transformer et les donner. Le reste, c’est pour les gens de la rue.
- 3 camions frigorifiques.

Interview Denis Lacrampe
Interview avec Denis Lacrampe
Les dessous de la logistique aux Restos ou pourquoi les camions sont si indispensables dans nos missions d’aide alimentaire ! Eclairage avec Denis Lacrampe, responsable bénévole du pôle alimentaire des Restos.
Quel est le rôle d’un camion dans la chaîne logistique ?
Les denrées stockées dans les entrepôts des Associations Départementales des Restos (AD) sont réparties sur des palettes pour être livrées dans les différents centres de distribution. Certaines livraisons se font en ambiant (boîtes de conserves, pâtes, riz, etc.) à l’aide de camions tôlés. Pour le frais et le froid (positif et négatif), qui doivent respecter des contraintes d’hygiène, on utilise des camions frigorifiques. De l’entrepôt au centre, réglementairement, les camions frigorifiques (3,5 tonnes) ne peuvent charger que 2 palettes.
La conséquence de cette capacité plus limitée ? Pour les gros centres des Restos, les camions tournent beaucoup plus. Alors nous avons réparti les camions. Plus de trajets et de rotation, ce seront les meilleurs camions. Les plus “vieux” camions seront utilisés dans les centres qui en ont le moins besoin. Dans les petits centres, on peut utiliser parfois aussi les véhicules des bénévoles pour l’ambiant prioritairement.
Depuis la loi Garot de 2016 qui encadre encore plus les règles de la chaîne du froid pour les activités de ramasse de produits frais, nos besoins en camions frigorifiques ont augmenté, notamment pour les “gros” centres accueillant de plus en plus de personnes.
De combien de camions disposez-vous à l’heure actuelle ?
Nous avons aujourd’hui environ 1 600 camions frigorifiques sur l’ensemble du territoire, dont 150 en Île-de-France.
De quel type de camions avez-vous besoin ? Comment prenez-vous en compte l’aspect écologique et quelles exigences avez-vous ?
Nous avons besoin de camions frigorifiques car ce sont les plus coûteux et spécifiques.
C’est justement parce que nous prenons en compte l’aspect écologique, que nous avons besoin de nouveaux camions. En effet, la plupart de nos camions sont vieux et roulent au diesel. Nous aimerions donc acheter des camions plus récents, en meilleur état, qui garantissent la chaîne du froid, qui roulent à l’essence. Plus respectueux de l’environnement et efficaces pour permettre de développer nos actions de ramasse de produits frais et denrées périssables que nous récupérons en circuit-court.
Quelle distance parcourt un camion par an ?
Nos camions roulent en moyenne entre 6 000 et 8 000 km par an.
A part la collecte nationale, comment faites-vous pour toujours avoir des denrées alimentaires ?
Nous avons des dons de plusieurs partenaires (l’Union Européenne via le Fonds européen d’aide aux plus démunis, des agriculteurs, des industriels…). Nous achetons en gros auprès de fournisseurs. Et nous effectuons quotidiennement la ramasse de produits frais qui nous aide beaucoup à constituer nos stocks et à diversifier les produits qui sont distribués. C’est surtout pour cela que nous avons besoin de camions frigorifiques.
Comment stockez-vous les denrées alimentaires ?
Les Associations départementales ont chacune un ou plusieurs entrepôt(s). Dans ces entrepôts, les denrées sèches ou en conserve sont stockées sur des palettes. Une chambre froide positive garde au frais les fruits et légumes, le beurre, les œufs et le fromage, et une chambre froide négative garde au frais le surgelé. Ensuite, dans les différents centres, en fonction de leur taille et donc de leur équipement, ils sont soit dans des chambres froides positives et négatives comme dans les entrepôts, soit dans des réfrigérateurs, des vieux congélateurs offerts par des partenaires, ou quelques vitrines réfrigérées.
Y-a-t-il des stocks de denrées différents en fonction des centres ?
Comme chaque centre accueille un nombre de personnes différent, oui. Chaque centre détermine alors son propre stock.
La logistique en quelques mots ?
L’organisation de la logistique pour plus de 2 000 centres de distribution en France est notre force ! Mais c’est un défi tous les jours. Pour faire face aux enjeux que nous voyons arriver dans les prochains mois, nous devons être prêts ! Nous aider à renouveler et augmenter notre flotte de camions frigorifiques nous permettra de l’être plus que jamais.